Pierre Chapoutot, "Intello des cimes"
Un jour de 1954, il pose les yeux sur la Meije, au détour d'une randonnée avec son oncle. Première vision de celle qui deviendra sa « maîtresse ». Pour l'instant, il l'ignore et s'affûte sur les rochers de Bleau, boucle sa licence d'histoire-géo et réussit le Capes. Une heureuse mutation le catapulte à Albertville en 1966. L'homme a déjà le goût des hauteurs, il a parcouru les arêtes de la Meije et atteint dans la tempête le sommet du grand Pic de Belledonne.
« Chaps » arpente la montagne, des Ecrins au Groënland, imagine des itinéraires et ouvre ses premières voies en Oisans, à une époque où l'on ne s'arrache pas le terrain. Il lui faut du temps pour s'acclimater aux montagnes de Vanoise, trop douces d'apparence mais dont il découvre la face cachée à peau de phoque, telle la paroi centrale de l'Epéna qu'il observera 30 ans avant d'en réaliser la première ascension.
1982 est un grand cru, Chapoutot réussit la Walker et se sent des ailes. Et plus rude est la chute, l'année suivante, lorsqu'un accident le coupe dans son élan. C'est l'occasion de reprendre la plume, que Chapoutot aime manier, s'essayant à plusieurs styles : littérature alpine dans la revue Passage qu'il crée avec Bernard Amy en 1977, monographie de ses montagnes préférées, ouvrages sur la Savoie ou délire perso avec La Montagne c'est pointu. Il dirige aujourd'hui la revue Cimes du GHM, dont il est membre depuis 1971. Un brin provocateur, Chapoutot revendique une montagne « humaine », protégée contre les excès des « bétonneurs » et ceux des « écolo-réactionnaires ». Il assume son image de polémiste mais refuse qu'on l'y cantonne. Aujourd'hui, il veut prendre la plume avec son regard d'historien, en scrutant la montagne dans sa dimension géo-politique ; une façon de prendre un certain recul
Texte de Leïla Shahshahani, paru en juillet 2004 dans Montagnes Magazine (n°283), Spécial Vanoise.