LE 8 AOUT - VISITE AU CAMP
DE REFUGIES DE FAR'A
Nous avons passé la journée dans le camp de réfugiés
de Far'a,
établi en 1949 à une quinzaine de kilomètres
au nord-est de Naplouse. Administrativement, ce camp dépend
de la ville de Jenin, située au nord de la Cisjordanie.
L'endroit ne ressemble pas à l'image qu'on se fait d'un
camp comme on les voit aux infos à propos du Soudan par
exemple. Les tentes ont laissé place à des cubes
ou maisons de ciment. Il faut dire que le "camp" s'éternise
et que les milliers de réfugiés (presque 8000) qui
se trouvent là s'enracinent bien malgré eux sur
cet emplacement vide de sens. Depuis 1948 qu'Israël les a
chassés de chez eux pour agrandir son Etat, ils vivotent
ici avec l'aide de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés
palestiniens (UNRWA),
avec une seule obsession : rentrer au pays. C'est le fameux volet
du "droit au retour", énoncé par la résolution
194 des Nations Unies. Certains gardent la clef de leur ancienne
maison autour du cou, même si celle-ci a été
bien souvent détruite. L'ancienne génération
transmet aux jeunes l'amour de la terre natale, au grand dam des
sionistes qui affirmaient que lorsque "les vieux mourront,
les jeunes oublieront". Les Palestiniens ne demandent pas
le départ des Israéliens, ils demandent le droit
de revoir leur terre et d'y cohabiter avec eux. Certains se rappellent
d'une cohabitation autrefois paisible entre arabes et juifs. Un
Etat, deux Etats ou dix Etats, peu importe pour beaucup de Palestiniens
tant qu'ils peuvent retourner sur leur terre. Aujourd'hui, on
refuse aux vieux le droit de se faire enterrer sur leur terre
d'origine.
Nous avons rencontré à Far'a les élus du
camp (Comité Populaire), un très vieux réfugié
et un plus jeune militant du "droit au retour". "Nous
ne sommes pas des terroristes" nous répètent
inlassablement nos interlocuteurs, conscients de leur image dans
les médias occidentaux. Ils nous demandent d'être
leurs messagers.
L'un d'eux nous pose la question : "Que feriez-vous si vous
étiez des Palestiniens aujourd'hui?". Que dire...
je prends la parole et explique que chez nous, l'attachement à
la terre natale n'est peut-être plus aussi fort qu'il a
pu l'être pour les générations précédentes.
Je me demande si je ne déciderais pas de m'exiler ailleurs
pour fuir tant de souffrance. Mais l'exil a-t-il un sens quand
on perd toutes ses racines ? Quand on voyage ou qu'on part vivre
à l'étranger, pour nous, c'est un choix. On sait
où se trouvent nos racines et l'on peut y revenir. Aurait-on
l'envie de partir si l'on était chassés de chez
nous ? C'est tout à fait impossible de se mettre dans la
peau d'un Palestinien. La réponse de notre interlocuteur
est claire et simple : "L'attachement à notre terre
est si fort qu'il nous permet d'endurer la souffrance".
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Si certains réfugiés ont trouvé du travail
en ville, le taux de chômage dans le camp est élevé.
Socialement, un réfugié est déconsidéré.
Les incursions
nocturnes des militaires israéliens dans le camp sont
quasi quotidiennes. Nous avons entendu une patrouille rôder
lors d'une nuit passée dans un autre camp près de
Bethléem. Notre petit tour de Cisjordanie nous permet de
comprendre une chose : les soldats israéliens maintiennent
les Palestiniens dans un état de stress permanent, allant
jusqu'a troubler leur sommeil. Cette "guerre d'usure"
qui dure depuis 60 ans en Cisjordanie a un objectif : rendre leur
vie si insoutenable qu'ils finiront par aller vivre ailleurs,
au-delà des frontières d'Israël si possible.
A priori c'est peine perdue : je n'ai jamais vu un peuple aussi
attaché à sa terre natale, aussi déterminé
à résister jusqu'au bout.
Pour plus d'informations sur les réfugiés palestiniens,
consulter le site de l'organisation BADIL
(Le Centre de Ressources pour le Droit à la Résidence
et le Droit des Réfugiés palestiniens), fondée
en 1998 et dont nous avons rencontré un membre du bureau
national lors de notre passage à Far'a. LE
9 AOUT - LES RESISTANCES DE NAPLOUSE
Après la très grosse
journée d’hier avec la visite du camp de réfugiés
et les infinies réflexions qui s’ensuivent, la
journée d’aujourd’hui est psychologiquement
plus légère mais hautement instructive.
Nous avons commencé par la visite de la savonnerie
de Touqane au cœur de Naplouse, capitale palestinienne
du savon. Avec 20 employés et finalement peu de postes
de travail, de larges quantités de savon sont fabriquées
ici. De l’eau, de l’huile d’olive et de la
soude, et hop le tour est presque joué. Deux personnes
emballent les savons au rythme de 6000 par jour... la cadence
est impressionnante. Le savon, c’est l’image de
Naplouse. Nous en achetons quelques uns. Beaucoup d’entre
nous en ont déjà acheté en France. C’est
un petit moyen pour contribuer à soutenir l’économie
palestinienne, brisée en très grande partie par
les Israéliens. Il y avait avant une trentaine de savonneries
à Naplouse. Il en reste aujourd’hui trois ou quatre,
beaucoup ayant été détruites ou n’ayant
pu survivre dans une économie totalement ruinée.
Cap ensuite sur la caserne
des pompiers de Naplouse, la plus grosse de Cisjordanie
(et Gaza) avec 70 pompiers. Créée en 1958, elle
est pourvue d’équipements modernes. Nous somme reçus
par les responsables de la caserne. Ici les pompiers sont des
civils dépendant de leur municipalité. Nous découvrons
leur rôle phare dans la seconde intifada, plus violente
que la première parce qu’armée. Les pompiers
gardaient un lien direct avec les Palestiniens, devenant un interlocuteur
privilégié alors que l’armée israélienne
occupait les lieux. Ils ne demandaient pas l’autorisation
de l’armée pour intervenir où on les attendait,
celle-ci prenant trop de temps à réagir par la médiation
de la Croix rouge. L'attitude indépendante des pompiers
de Naplouse a engendré des répressions de la part
d’Israël. Certains ont été blessés
par des soldats israéliens, qui fermaient parfois les accès
de la caserne, empêchant les pompiers emprisonnés
dans leur propre bâtiment de partir sur le terrain. Ils
ont même tenté de détruire les bâtiments
mais les pompiers se sont interposés face aux bulldozers.
Les pompiers considèrent qu’ils ont joué un
rôle "humanitaire" dans l’intifada. Représentant
alors la seule "autorité" palestinienne (la police
était israélienne), ils étaient les premiers
contactés par la population pour tout type de problème.
Des liens forts se sont développés entre eux et
la population de Naplouse. Interrogés sur une participation
plus "active" de leur part dans la résistance,
ils sourient... "90% d’entre nous ont fait un séjour
en prison", disent-ils en guise de réponse. Aujourd'hui,
ils interviennent régulièrement pour éteindre
des feux allumés par des colons sur des terres palestiniennes
autour de Naplouse (blé, oliviers), même en zone
placées sous contrôle israelien (dite "zone
C") : les pompiers israéliens y éteignent les
feux naturels, mais pas les feux allumés par les colons.
Ils nous racontent la dernière technique des colons : mettre
le feu à un petit chien qui, en brûlant vif, court
au milieu des blés et répand ainsi plus rapidement
l’incendie sur les terres palestiniennes. No comment.
Nous poursuivons vers le studio
de la radio Voice of An-Najah située
dans l'enceinte de l'université An-Najah de Naplouse,
la plus grande de Palestine avec 18000 étudiants. Le
directeur de la radio nous accueille et nous parle de ce projet
mis sur pied six ans plus tôt, en 2003, pendant l'Intifada.
La radio couvre les villes du nord de la Cisjordanie, touchant
plus d'un million d'habitants, mais ne peut atteindre Jérusalem
du fait du refus des Israéliens d'installer des antennes.
Elle crée un lien communautaire et permet aussi à
des étudiants de se former au journalisme, même
si une infime partie d'entre eux a la possibilité de
vivre de ce métier en Palestine. Elle diffuse ses programmes
sur les ondes de 6h à minuit, pour la plupart produit
dans les studio de l'université où neuf profesionnels
travaillent à temps plein, aidés de nombreux bénévoles
dont certains sont correspondants sur le terrain. Les fond proviennent
intégralement de l'université et opère
sous le régime de l'autorité palestinienne. Durant
l'intifada, de nombreuses radios palestiniennes ont été
détruites par les Israéliens, mais Voice of An-Najah,
malgrè quelques incursions et le brouillage de ses ondes,
a survécu. Le directeur reconnaît que durant les
périodes de tension, l'auto-censure peut être de
rigueur pour éviter les ennuis. Interrogé sur
l'engagement politique de la radio, le directeur insiste sur
sa "neutralité", les différentes opinions
s'exprimant dans la bouche des invités.
Non loin se trouvent les locaux
de l'association Project
Hope, fondée en 2003, par
le biais de laquelle de nombreux internationaux viennent enseigner
le théâtre, la musique, l'anglais et d'autres disciplines
aux enfants de Naplouse, en priorité ceux des camps de
réfugiés de la région, souvent détruits
par des années d'Intifada. Cette association se veut
"humanitaire" et prend le parti de ne pas s'engager
politiquement.
Nous terminons la journée
par une visite chez les Samaritains
de Naplouse, sur les hauteurs de la ville (mont Guerizim).
C’est notre premier véritable passage de checkpoint,
avec vérification des passeports. A moins de permissions
demandées à l’avance et délivrées
au compte-gouttes, les Palestiniens ne sont pas admis dans cette
zone. Ce qui parait paradoxal car les Samaritains d’ici
semblent avoir plus en commun avec les Palestiniens qu’avec
les Israéliens. Dans l’unique boutique de cette
petite bourgade comme suspendue hors du temps, nous rencontrons
un prof de l’université d'An-Najah qui nous parle
un peu des Samaritains, car à part un vieillard et le
commerçant, nous n’en croisons pas tant les rues
sont désertes. Le prof est venu ici avec un groupe d’étudiants,
sur autorisation spéciale. Il choisit avec précaution
sa canette de boisson, car depuis huit ans il boycotte tout
produit israélien, ou du moins autant que possible.
Il y aurait environ 400 Samaritains ici (et à peu prés
le même nombre près de Tel Aviv). Ils ne se considèrent
pas juifs, bien qu’hébreux se référant
à la Torah. Tous sont pratiquants et une absence répétée
trois fois à la synagogue sans explication valable peut
valoir une exclusion de la communauté. Leur droit de
vote s’exerce en Palestine, pas en Israël. En revanche,
ils peuvent se déplacer librement sur tout le territoire.
Il n’y a presque rien sur cette colline et les Samaritains
descendent régulièrement à Naplouse pour
les choses de la vie courante. Deux familles palestiniennes
de bergers vivent parmi ces Samaritains.
Nous apprenons que le checkpoint n’est pas là pour
les Samaritains mais pour "protéger" des installations
militaires israéliennes et des colons israéliens
installés non loin (nous apercevons la colonie de Bracha).
Le prof nous explique qu’il y a deux jours, ces colons
se sont emparés de terres palestiniennes voisines dans
le village d'Iraq Burin. L’autorité palestinienne
n’est pas intervenue. Cet
épisode vient nous rappeler que derrière une
apparente "normalisation" de la vie ici à Naplouse,
la violence est toujours bel et bien là, et que le grignotage
des terres se poursuit inexorablement. Déjà l'an
dernier les
colons de Bracha avaient incendié les terres de ce village.
"On parle du processus de paix, mais il n’y a pas
de paix", déplore le professeur. Vu d’ici,
c’est bien la terrible réalité, loin du
discours politiquement correct de nos médias.
En apparence, la situation générale, notamment
à Naplouse, parait calme comparée aux huit dernières
années d'intifada (achevée officiellement en 2008
- et hormis Gaza, affamée et bloquée par l'armée
où les témoins ne sont pas admis). Pourtant la
colonisation de la Cisjordanie ne faiblit pas voire se renforce,
et les humiliations sur les Palestiniens sont quotidiennes.
Pour beaucoup, c'est comme un calme avant la tempête,
comme un passage dans l'œil du cyclône.
LE 10-11 AOUT -
AL MA'SARA TIENT BON
Lundi matin, nous quittons Naplouse
pour rejoindre le village d'Al Ma'sara situé au sud de
Bethléem. Le premier soir, nous y retrouvons un groupe
important de jeunes français et belges venus avec l'association
Génération Palestine. Nous sommes accueillis pour
le briefing d'arrivée dans la maison du maire du village.
Ici, un groupe dynamique de Palestiniens organisent la résistance
pacifique depuis 2006, via le "Comité populaire
contre le mur". Des échanges ont lieu entre ce village
et des communes du Trièves en France. Des groupes de
Français viennent régulièrement à
Al Ma'sara depuis 2002. Chaque vendredi, Palestiniens, Israéliens
et internationaux manifestent contre le mur, et des villageois
séjournent régulièrement dans les prisons
israéliennes. Une petite visite guidée des environs
de Bethléem nous permet de constater le grignotage continu
de la colonisation, qui fragmente les territoires palestiniens
et isolent ses habitants, rendant de fait de plus en plus impossible
la création d'un état palestinien. Les expulsions
et destructions de maisons se poursuivent à une cadence
soutenue. Au sud-ouest d'Al Ma'sara, nous apercevons le gros
bloc de colonies israéliennes de Gush
Etzion, qui compte 50000 habitants environ et pénètre
de vingt kilomètres à l'intérieur des terres
palestiniennes (au-delà de la ligne verte de 1949). La
population des colons continue de croître et l'expansion
physique des colonies se poursuit, dans la perspective de les
intégrer au projet d'un "grand
Jérusalem". Nous apercevons aussi la colonie
de Betar Illit, surplombant le village palestinien de Nahhalin.
Les villages palestiniens encerclés dans ce bloc de colonies
sont de plus en plus isolés. C'est le cas de Khallet
Sakariya, un petit village que nous visitons avec nos hôtes
d'Al Ma'sara, pris en sandwich dans le bloc de Gush Etzion.
Ici les habitants n'ont le droit ni de construire, ni de réparer
leurs maisons. Idem pour la mosquée en ruine et l'école
dont une classe se fait dehors entre deux murs de briques posées
faute d'extension possible. Actuellement, dix maisons sont menacées
de destruction par Israël. Nous y rencontrons Abou Ibrahim,
un vieux villageois de 107 ans qui a vu progressivement les
colonies israéliennes l'encercler.
Depuis novembre 2006, les villageois palestiniens sont avertis
de la construction prochaine du mur qui viendra grignoter davantage
sur leurs terres. Des expropriations sont annoncées.
En regardant vers l'est, côté Jourdain, depuis
la colline de l'Hérodion, on aperçoit les colonies
voisines de Teqoa et de Noqdim. C'est dans cette dernière
que vit l'ultranationaliste Avigdor Lieberman, ministre des
affaires étrangères israélien depuis 2009
et fondateur du parti d'extrême droite Israel Beiteinou.
Là aussi un projet de liaison entre cette colonie et
Jérusalem menace fortement les terres palestiniennes
dont le village de Za'atara.
Pendant ce temps, le 6ème
Congrès du Fatah se termine à Bethléem,
et le convoi de ses dirigeants - Mahmoud Abbas en tête
- passe sous nos yeux. Ce dernier en prend pour son grade dans
toutes les conversations. Le "traître", le "chien",
l'Israélien", font partie des petits noms que lui
attribuent les Palestiniens.
Nous passons deux nuits dans la
région, répartis dans plusieurs familles, inquiètes
des incursions nocturnes de l'armée. Avec Magali et Manuella,
nous sommes logées à quelques kilomètres
d'Al Ma'sara, chez Mohammed, dans le camp de réfugiés
d'Arroub, où vivent 9000 Palestiniens. Son appartement,
bien que petit, nous semble "luxueux" vu le contexte
; il l'a contruit avec l'aide de 70 amis. Pourtant, il ne sent
pas ici chez lui, puisqu'il est réfugié. Nous
partageons le dîner avec des amis à lui, résistants
eux aussi contre l'occupation (de retour en France, nous apprenons
la mort de l'un d'eux, au volant de sa voiture, alors qu'il
assurait le rôle de maire d'Al Ma'sara par intérim
pendant l'absence de celui-ci). Mohammed nous met sa maison
à disposition, une chambre unique avec salle de bain
et cuisine. Il va quant à lui dormir sur un toit voisin
pour mieux observer l'éventuelle venue de soldats. Au
milieu de la seconde nuit, vers 2h du matin, on entend des bruits.
Mohammed nous racontera au petit matin qu'il s'agissait bien
d'une petite "inspection" du camp. Ca donne des frissons
a postériori.
LE 12 AOUT - HEBRON
L'INDICIBLE
Mardi matin, nous poursuivons vers le sud pour rejoindre la
ville d'Hébron. On a pu en entendre parler, mais il est
difficile de trouver les mots pour y décrire ce qu'on
y voit. Hébron est un passage obligé pour voir
le vrai visage de la colonisation. 500 colons, parmi les plus
extrémistes qui soient, pourrissent la vie d'un demi-million
de Palestiniens. Avec le soutien si ce n'est la bénédiction
de l'armée israélienne, qui expulse les Palestiniens
et protège les colons qui s'installent sur les lieux.
Ils ont entre autre pris d'assaut les immeubles de la vieille
ville dominant les rues où se trouvent les échoppes
arabes. Du haut des fenêtres, les colons balancent leur
détritus sur les Palestiniens. De grands filets ont été
tendus pour récolter les divers déchets. Un colon
aurait néanmoins réussi à faire passer
une tige de fer entre les mailles : elle s'est plantée
dans le crâne d'un Palestinien, qui en est mort. Ce n'est
qu'une "anecdote" parmi d'autres. Une grande partie
des échoppes a dû fermer définitivement,
le quartier devenant trop infréquentable pour les Arabes.
La ville n'est qu'amas de barbelés et barrières
en tous genres. Les caméras de surveillance sont partout.
La mosquée d'Ibrahim (ou
tombeau des Patriarches) est le lieu de toutes les humiliations
; c'est aussi là que le sioniste Baruch Goldstein massacra
29 musulmans pendant leur prière le 25 février
1994. La moitié de la mosquée a été
confisquée aux Palestiniens : il faut passer par un véritable
check point pour y entrer. Les jeunes soldats lancent des 'Welcome
to Israel" provocateurs devant nos hôtes Palestiniens,
en nous rendant nos passeports. Nous répliquons 'This
is Palestine, not Israel". Ils se marrent, et se mettent
à hurler et chanter à tue tête 'Welcome
welcome to Israel", fusil en main. Une fois de plus la
scène est surréaliste. La provocation est tellement
infantile qu'elle pourrait faire rire si ce n'était si
tragique. Nos amis palestiniens avalent leur colère en
toute dignité. Au niveau du tombeau d'Abraham, la mosquée
est coupée en deux : les Arabes n'en voit plus que l'arrière,
la partie avant étant désormais réservée
aux Juifs.
Une heure plus tard, nous buvons un verre dans une petite échoppe,
au niveau d'une barrière bloquant l'accès des
Arabes à un quartier juif. Un large groupe de personnes
passe alors devant nous, en brandissant des drapeaux israéliens
sous nos yeux et en scandant des slogans pro 'Israël'.
En territoire conquis. C'est un groupe de sionistes francais
! Nous leur faisons remarquer à voix haute que nous sommes
en territoire palestinien, et que les colonies s'apparentent
à du vol de terres. Que n'avons-nous pas dit. En quelques
secondes, quelques énervés nous tombent dessus
et les soldats israéliens s'interposent pour éviter
que nous nous fassions agresser. La violence et la vulgarité
des sionistes nous subjuguent, et le mot est faible. Les "Ca
pue la merde ici" ou "La Palestine est morte"
font partie des joyeusetés, les gestes s'alliant aux
paroles (libre cours à votre imagination).
Pendant ce temps, une autre partie de notre groupe a assisté
à plusieurs scènes d'humiliation au 'checkpoint'
de la mosquée. Nous quittons Hébron dans un état
de haute tension.
Voir la vidéo d'un discours
sioniste à Hébron en août 2009.
LE 12-13 AOUT - POUR LES
BEDOUINS DU JOURDAIN AUSSI, L'OCCUPANT EST PARTOUT
Nous repartons vers le nord de
la Cisjordanie, non loin de Jericho, pour y découvrir
le calvaire des Bédouins palestiniens. Dans le village
d'Al Jiftilik, comme ailleurs, les expulsions et destructions
de maisons sont monnaie courante. Nous y retrouvons
un groupe de Français de Génération
Palestine qui passe une semaine ici pour aider à la reconstruction
d'une maison détruite par les Israéliens. Ici,
18 maisons ont été démolies en trois ans.
Les eaux de la vallée du Jourdain sont contrôlées
par les Israéliens qui la distribuent au compte-gouttes,
et au faciès. A gauche de la route, la terre est asséchée.
On est côté palestinien. A droite, les palmiers
et autres plantes poussent vertement. On est côté
israélien. C'est aussi simple que ça. Lors de
l'occupation de 1967, des dizaines de milliers de Palestiniens
ont fui vers la Jordanie. La vallée du Jourdain exporte
dans le monde entier ses fruits (dates, oranges, raisins), produits
sur des terres volées aux Palestiniens et étiquetés
"made in Israel" (dont les célèbre plantations
Jaffa). La vallée du Jourdain représente un enjeu
de taille : frontière avec la Jordanie, terres envisagées
pour l'expansion de Jérusalem vers l'est, importantes
ressources d'eau souterraine. C'est aussi la seule terre disponible
capable d'accueillir les réfugiés palestiniens
en cas de réglement du conflit...
Le soir, on pourrait presque rêver sous les étoiles,
dans ce paysage quasi désertique aux frontières
de la Jordanie. Mais les lumières des colonies et les
avions de l'armée israélienne qui nous frôlent
viennent nous rappeler qu'on vit ici sous domination d'un état
guerrier.
Nous visitons le village de Fasayil, entouré de colonies,
où la construction de l'école, inaugurée
en 2008, relève d'un combat permanent contre les vélléités
de destruction des autorités israéliennes. Nous
nous rendons ensuite dans la communauté bédouine
d'Al Auja où la situation des 32 familles paraît
inextricable : empêchés de vivre de leur mode de
vie traditionnel nomade (interdictions de planter leurs tentes),
Israël leur refuse aussi le droit de se sédentariser.
Ce soir nous avons traversé
notre premier check-point à pied pour regagner Jérusalem.
Tel du bétail, nous avons franchi les couloirs et tourniquets
métalliques aux côtés de familles palestiniennes.
Demain nous sommes attendus dans le village de Bilin, au nord-ouest
de Jérusalem, pour participer à la manifestation
hebdomadaire contre le mur. Nous nous préparons psychologiquement
à affronter les rafales des grenades lacrymo, et à
découvrir le soldat israélien dans toute sa splendeur.
LE 14 AOUT - BILIN, UN
VILLAGE PRIVE DE SOMMEIL
Comme chaque vendredi, le comité
populaire de Bilin
organise une manifestation contre le mur dans ce petit village
au nord-ouest de Ramallah où 60% des terres ont été
confisquées aux Palestiniens. Nous sommes accueillis
dans la famille de l'un des organisateurs. Nous préparons
quelques pancartes ("French people against the wall")
et rejoignons le cortège composé de nombreux israéliens
anticolonialistes et d'internationaux, munis de compresses d'alcool
et de collyre pour diminuer l'impact des gaz lacrymo. Ces derniers
jours, la tension est montée d'un cran dans le village
après une arrestation nocturne par l'armée israélienne.
Le 17 avril dernier, le villageois Basem Abu Rahma, 25 ans,
a été tué lors d'une manifestation similaire.
Cinq personnes ont été tuées en un peu
plus d'un an dans les manifestations de Bilin et Nilin (dont
un graçon de 10 ans), pourtant pacifiques. Le cortège
quitte le village en direction du mur, matérialisé
ici par de hautes barrières de barbelés. Symboliquement,
certains tentent d'arracher une première rangée
de barbelés mais sont vite repoussés par les rafales
de lacrymo lancées par les soldats. Aujourd'hui ne fait
pas exception, les grenades sont tirées vers le ciel.
Le vent ramène les gaz en direction des soldats israéliens,
d'autres tirées vers l'arrière du cortège
atteignent les manifestants. Vient le tour du camion au jet
d'eau. Depuis quelques temps, l'armée teste une nouvelle
arme : un puissant jet d'eau verte puante composée de
produits chimiques et on ne sait trop quoi d'autre (on préfère
ne pas savoir) est projeté en direction des manifestants.
Heureusement, la puissance du jet n'est pas trop forte aujourd'hui
(problème technique) et il est assez facile de reculer
pour ne pas être atteint. Le sol est jonché de
grenades lacrymo vides. Sur le côté, un villageois
s'amuse à les rebalancer en direction des soldats à
l'aide d'un lance-pierre. Retour à l'envoyeur. Rien de
bien méchant, celles ci n'atteignant d'ailleurs pas souvent
leur but. L'ordre de dispersion est donné assez rapidement,
après une heure et demie environ. Nous retournons vers
le village. Dans les champs d'oliviers sur le côté,
des gamins lancent quelques pierres en direction des barbelés,
en marge de la manif et hors de portée des soldats. Elles
atterrissent pour la plupart dans les champs. Pourtant, l'armée
ne se prive pas de gazer les enfants en balançant de
nombreuses lacrymo alors que la manif est officiellement terminée
et que le gros du troupeau s'est retiré. De l'avis des
Palestiniens, cette manif a été plus "soft"
que les autres, peut-être en raison du nombre important
de militants internationaux et israéliens.
C'est plus tard dans la soirée
que se produit l'épisode le plus révélateur,
et le plus angoissant. Le fils de notre hôte, qui doit
avoir environ 7 ou 8 ans, emmène quelques-uns d'entre
nous faire le tour de son village. La promenade nous mène
dans les champs d'oliviers, et nous empruntons une route qui
descend lentement en direction du mur barbelé. Nous en
sommes encore loin et n'avons pas l'intention de nous y rendre.
Quoi qu'il en soit, nous sommes sur les terres des Palestiniens.
Un autre enfant nous rejoint. Lui et son copain nous explique
que l'armée guette et que des soldats ont commencé
à bouger au loin sur la ligne de crête de la colline
d'en face. Colline où allaient avant jouer les enfants,
désormais confisquée. Dans le crépuscule,
ils repèrent très vite une jeep qui descend du
haut de la colline et que nous n'avions même pas vue.
"Bientôt ils vont tirer une grenade", nous préviennent
les gamins. Nous pensons qu'ils en rajoutent pour le "touriste",
ou qu'ils psychotent. Mais alors que nous entamons tranquillement
notre retour en remontant sur un autre chemin qui ramène
au village, nous entendons un tir. Une grenade lacrymo a été
lancée dans notre direction. C'est tout simplement incroyable.
Non contente de leur confisquer leurs terres, l'armée
israélienne empêche les habitants de faire une
promenade nocturne dans les champs qu'il leur reste. Les enfants
se mettent à courir vers le village. La suite, ils la
connaissent : trois soldats avancent en général
masqués dans les oliviers et viennent les attraper. Au
bout de trois fois, ils sont susceptibles d'être emmenés
en prison. Nous regagnons le domicile de notre hôte, totalement
abasourdis. La mère nous attend sur le pas de la porte,
morte d'inquiétude car elle a entendu le tir de la grenade.
Pourtant, la journée des habitants de Bilin ne fait que
commencer. Quand la nuit tombe, les villageois s'organisent
pour mettre en place des groupes de surveillance. Toute la nuit,
ils guettent les possibles incursions des soldats israéliens.
Après avoir assisté à une réunion
avec les membres du Comité populaire des villages de
Bilin et Nilin, nous repartons chez notre hôte pour tenter
de grapiller deux petites heures de sommeil. A 2h du matin,
on vient nous réveiller. Notre groupe de neuf est divisé
en trois petits groupes, encadrés par des villageois
et quelques internationaux habitués des lieux. Vers 3h
du matin, chacun prend ses positions. C'est en général
à cette heure que les soldats peuvent débarquer.
Notre hôte, comme plusieurs autres villageois activistes,
est "wanted". Avec mon groupe, nous "patrouillons"
dans les rues du village, oreilles et yeux grand ouverts. Vers
5h30 du matin, peu après que le chant du muezzin ait
retenti dans les collines, nous rejoignons le QG. Nos compagnons
recherchés ne seront pas arrêtés cette nuit.
Nous sommes bien fatigués et regagnons nos matelas. Pendant
ce temps, nos hôtes n'ont pas fermé l'œil
de la nuit. La femme, stressée, attend à la maison,
incapable de dormir. Seulement au petit matin, épuisés,
ils s'écroulent pour un court moment de sommeil. Pour
nous, c'est une nuit de folie. Pour eux, elles sont toutes comme
ça. Comment l'humain peut-il endurer un tel harcèlement
? Nous comprenons une fois de plus la tactique israélienne
: ne pas laisser le moindre répit aux Palestiniens, les
traquer jour et nuit pour les faire craquer. Mais ils tiennent
bon, par on ne sait quel miracle. Nous apprenons qu'un jeune
villageois est arrêté le soir suivant notre départ
(de retour en France, nous recevons des mails chaque semaine
pour nous informer de nouvelles arrestations).
LE 15
AOUT - DES SOLDATS DANS LES VIGNES
Une heure et demie après
nous être rendormis suite à cette étrange
nuit, il est temps de reprendre le bus pour rejoindre un groupe
d'activistes israéliens au sud-ouest de Bethléem.
Nous ne sommes plus que quatre, le reste du groupe étant
trop épuisé pour enchaîner.
Au programme de la journée : accompagner des agriculteurs
palestiniens dans leur vignoble qu'ils n'ont pas pu cultiver
depuis trois ans en raison de la présence d'une colonie
qui s'est implantée à quelques mètres de
là, en amont. Bien que là encore la terre appartienne
aux Palestiniens, leur présence déplait aux colons
qui les menacent et les découragent de s'y rendre. En
l'espace de trois ans, de nombreuses vignes se sont assséchées.
Alors que nous pénétrons dans le champ, deux soldats
et une jeep se rapprochent. Des colons qui passent sur la route
au-dessus commencent à vociférer en direction
des Palestiniens qui tentent de ramasser les quelques grappes
de raisin survivantes. Le chef des colons se pointe avec sa
kalachnikov et en quelques minutes distribue les ordres aux
soldats qui débarquent en masse de tous les côtés.
Nous refusons de déguerpir sous les ordres et attendons
d'être largement bousculés pour faire marche arrière.
La tension est très forte et j'interpelle plusieurs soldats
en les questionnant sur ces injustices. Leurs réponses
sont déroutantes de bêtises quand elles ne sont
pas tout simplement méprisantes "Yeah come on baby
take a photo of me". L'un d'eux finit à force de
questionnements par admettre que "Eh bien oui c'est ridicule
mais c'est comme ça"... Ou quand le soldat ne pense
pas. Trois Israéliens anticolonialistes qui refusent
de quitter les lieux en se couchant au sol sont arrêtés
(ils sont habitués, ils font partie du groupe militant
Ta'ayush),
et seront relâchés quelques heures plus tard.
Une journée comme une autre en Cisjordanie...
LE 16 AOUT - LE DERACINEMENT
DES BEDOUINS DU NEGUEV
C'est notre seule journée, hormis Jérusalem,
passée sur des terres officiellement israéliennes.
Nous prenons un bus rempli de jeunes soldats israéliens
(en Israël, le service est obligatoire, 3 ans pour les
hommes, 2 ans pour les femmes) en direction du Néguev,
des terres désertiques situées au centre-sud du
pays et à l'est de Gaza. Nous avons rendez-vous avec
l'ONG "Step forward" à Rahat, une ville bédouine,
non loin de Beer Sheva. Après l'exode forcé de
1948 ("Naqba"), une grande majorité des Bédouins
s'est enfuie vers l'Egypte, la Jordanie ou Gaza.
Les Israéliens ont cherché à sédentariser
les Bédouins restés sur place en les maintenant
dans un des sept villages officiels du Néguev établis
dans les années 70, et en abandonnant le reste de leurs
terres. Malgré une reconnaissance officielle de leur
existence par Israël, ces communautés reçoivent
des aides très largement inférieures aux autres
villes israéliennes. Ces Bédouins dont le mode
de vie nomade a été anéanti sont aujourd'hui
culturellement déracinés et en manque d'identité
: ni Palestiniens, ni Israéliens... Le taux de chômage
est très fort dans les communautés bédouines
et l'accès au système éducatif est très
limité. L'association
"Step
forward", mise en place en 2000 par des étudiants
d'origine bédouine, essaie de combler certains déficits
notamment en matière d'éducation (cours d'anglais,
d'informatique, de commerce...), et de développer des
projets sociaux au sein de la population bédouine.
Les Bédouins du Néguev qui ont décidé
de rester dans le désert où ils vivent depuis
des décennies peuplent 45 villages "non reconnus"
par Israël. Ceux-là font face aux mêmes menaces
que les Bédouins du Jourdain : destructions de maisons,
expulsions, déni d'accès à l'eau, à
l'électricité, aux soins...C'est le triste sort
des habitants d'Araqib que nous rencontrons en fin de journée.
Ici, les
récoltes ont même été empoisonnées
par l'Etat d'Israël afin d'encourager les Bédouins
à quitter les lieux. Le village a été détruit
huit fois par les Israéliens, mais c'est peu en comparaison
d'un village voisin détruit 28 fois !
LE 17 AOUT - SHEIKH JARRAH
SOUS HAUTE TENSION
Ce soir, nous sommes retournés dans le quartier
de Sheikh Jarrah à Jerusalem est. Dans la journée,
nous avons été informés qu'un rassemblement
sioniste s'y déroulerait et qu'une contre manifestation
aurait lieu. Nous avons rejoint cette dernière vers 18h.
La scène se déroule devant un hôtel à
l'abandon racheté il y a plusieurs années par
un Américain. Ce dernier a récemment obtenu l'autorisation
de le détruire et d'y construire à la place une
colonie. Nous sommes en plein quartier palestinien, non loin
des consulats et juste au-dessus des maisons d'où ont
été récemment expulsées des familles
palestiniennes. Les Israéliens anticolonialistes, notamment
ceux du mouvement "Peace now", organisateur de la
manifestation, sont coincés entre des barrières
métalliques et des barbelés, à droite de
la sortie de l'hôtel. En face, côté gauche,
les sionistes israéliens sont aussi regroupés
et arborent fièrement le drapeau israélien et
des pancartes avec le portrait d'Obama coiffé d'un keffier
avec la mention "antisémite". Nous apprenons
qu'à l'intérieur des grilles de l'hôtel,
une sorte de "garden party" a lieu avec politiciens
israéliens et américains.
Le tout reste assez bon enfant, les pacifistes respectant très
sagement les consignes de la police. Certains Israéliens
trouvent le mouvement trop gentillet à leur goût,
mais participent toutefois à ce rassemblement. Après
que chacune des parties se soit dispersée dans le calme,
nous partons rejoindre les familles expulsées de Sheikh
Jarrah qui dorment toujours dans la rue face à leurs
maisons spoliées. En chemin, nous discutons avec deux
Israéliens anarchistes. Pour eux, les enjeux du conflit
ne sont pas idéologiques ou religieux, mais économiques,
de très grosses sociétés tirant directement
profit de la situation actuelle : les entreprises israéliennes
qui imposent leurs produits aux Gazaoui, les entreprises de
travaux public qui construisent les routes et infrastructures
des colonies... (sur ce sujet, voir à
qui profite le crime)
En approchant du carrefour où se trouvent les familles
expulsées, nous assistons à un drôle de
face à face nocturne. Au milieu de la route, sur une
sorte de rond-point, des internationaux, dont une majorité
de Français semble-t-il, sont regroupés. Face
à eux, de l'autre côté de la route, se tiennent
quelques colons du quartier. La foule grossit du côté
des internationaux, auxquels nous nous joignons. Les familles
palestiennes expulsées restent à leur emplacement
habituel, sur le trottoir, derrière les internationaux,
et ne participent pas à cet étrange échange
verbal. Tout comme la plupart des Palestiniens présents.
Pour eux, la situation est plus délicate car ils craignent
que le moindre faux pas compromette leur démarche entamée
auprès de la cour de justice israélienne pour
faire valoir leur droit. Récemment, un premier recours
a échoué. Un autre est en cours, mais on a du
mal à y croire.
La tension monte d'un cran quand la police et l'armée
débarquent, après environ une demi-heure. Ca nous
parait d'ailleurs surprenant qu'ils ne soient pas venus plus
tôt. La suite est un peu confuse. Nous assistons à
ce qui nous semble être une parodie d'arrestation d'un
jeune colon, pour la forme. Certains dans notre groupe l'ont
vu plaisanter avec un policier qui l'arrête. Entre temps,
les internationaux ont reculé sous les ordres de la police,
se confondant avec les Palestiniens qui se tenaient derrière
en retrait. Quelques minutes plus tard, un policier se rue au
milieu de la foule et c'est la grande bousculade. Difficile
de savoir exactement ce qui s'est passé, plusieurs d'entre
nous, pris dans la bousculade, n'ayant vu que des bribes de
la scène. Selon certains témoins, le policier
aurait voulu s'en prendre à une jeune femme palestinienne
qui l'aurait interpellé et en aurait été
empêché par plusieurs personnes. Quoi qu'il en
soit, il semble clair que le policier a fait une violente incursion
dans la foule des Internationaux et des Palestiniens, s'en prenant
particulièrement à l'un de ces derniers. Le policier
veut l'arrêter mais la foule grossit autour d'eux pour
l'en empêcher. Avec le renfort de soldats, il finissent
par l'embarquer dans une voiture. Nous formons une chaîne
devant la voiture pour les retenir mais le véhicule finit
par se frayer un chemin dans la foule. Nous décidons
de quitter les lieux pour éviter la surrenchère.
Notre sentiment est partagé. D'un côté nous
avons le sentiment de soutenir les familles palestiniennes dans
leur combat contre des expulsions arbitraires. De l'autre, nous
craignons aussi que ce genre d'épisode leur crée
d'autre problèmes une fois les internationaux partis.
Nous posons la question à des membres de ces familles.
Des femmes semblent craindre un peu ce genre d'évènement.
Une des filles d'une famille n'y voit pas de problèmes.
Les hommes en revanche semblent moins impressionnés.
LE 18 AOUT - RAMALLAH, BERCEAU DE LA CAMPAGNE DE BOYCOTT
Dans la ville du siège de l'autorité
palestienne, nous rencontrons des membres de l'organisation
PNGO, the
"Palestinian non-governmental organization's network",
d'où est partie la campagne de boycott contre Israël,
dite BDS : Boycott, désinvestissement, sanctions. Omar
Barghouti, un des membres de l'organisation à l'origine
de cette campagne, nous parle de cette initiative, de ses débuts
un peu difficiles à son succès grandissant à
travers le monde aujourd'hui. Pour plus d'informations, voir le
site français qui relaie cette initiative.
De retour de Ramallah, trois d’entre
nous retournent voir les familles de Sheikh Jarrah. Nous venons
aux nouvelles après la soirée agitée d’hier.
Nous retrouvons Nadia, expulsée de sa maison, toujours
dehors. Nous apprenons que le jeune Maher (21 ans) qui a été
arrêté hier a été relâché
aujourd’hui, sans avoir été questionné.
Il risque une amende de 3000 sheckels (env. 600 euros) ou plus
s’il est repris dans une manifestation. Après explication,
on nous confirme que Maher s’est interposé pour
empêcher le policier de s’en prendre à une
jeune femme de la famille qui l’avait interpellé.
Je repose ma question à deux jeunes filles quant au bien
fondé de l’action des internationaux. Leurs réponses
me rassurent : " Que vous soyez là ou non, les Israéliens
usent de violence avec nous. Votre présence nous encourage
et nous espérons que vous raconterez chez vous ce qui
se passe ici". L’une d’elle, qui parle couramment
l’anglais, m’assure que les Palestiniens n’hésiteraient
pas à nous prévenir si involontairement l’une
de nos actions pouver leur causer plus de tort que de bien.
La mission se termine ce soir pour nous, avec un pincement au
coeur. L’accueil et la chaleur des Palestiniens vont nous
manquer. Reste maintenant à chacun de nous à "digérer"
ce voyage, et à savoir en tirer le maximum. Il est un
peu tôt pour en parler davantage à chaud.
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LE 19 AOUT - DANS LA VIEILLE
VILLE DE JERUSALEM : L'ENVERS DU DECOR
La mission est officiellement
terminée mais nous sommes encore quelques-uns restés
à Jérusalem en attendant notre avion de retour.
En errant dans les rues de la vieille ville, dont nous sommes
tous tombés sous le charme, nous découvrons d'un
peu plus près l'autre visage de Jérusalem. Je
laisse la parole à Magali, qui a fait le récit
de cette dernière journée sur son blog "Rexistance".
LE 20 AOUT - FOUILLE INTENSE
A L'AEROPORT ET GAFFE A BORD
Comme prévu, la fouille au retour a été
à la hauteur de sa réputation. Du moins pour moi,
puisqu'une fois de plus mon nom ne m'a pas épargnée
semble-t-il. Alors que Fred et Audrey ont eu droit au niveau
de sécurité "2", j'ai hérité
du degré "6", c'est-à-dire le plus haut
niveau de suspicion, et donc les fouilles les plus intenses,
dont passage dans une cabine à l'écart. Nous étions
prévenus et avions envoyé tous nos keffiers, documents,
écrits etc. par la poste. J'avais pris soin de faire
envoyer mes colis par Magali (on demande le passeport de l'expéditeur)
- afin que mon nom ne donne pas envie aux douaniers d'ouvrir
le paquet - et en indiquant un destinataire au nom lui aussi
bien français. Quant aux sacs, ils ont été
vidés de fond en comble. La fouille a bien duré
une heure et demi, avec quelques questions au passage sur mon
voyage. Le mot d'ordre : rester le plus évasive possible.
J'ai presque été escortée jusqu'à
la salle d'embarquement, privilège des "n°6".
Le coup d'œil aux grands panneaux de propagande gouvernementale
accrochés aux murs de l'aéroport vaut le détour
: "Shall we bring peace and tranquillity to this land"
ou "Land of democracy and social equality"..., parmi
tant d'autres du même acabit.
L'erreur, je l'ai commise plus tard, dans l'avion. Un jeune
Israélien a entamé la conversation avec une française
que j'avais rencontrée à l'aéroport. Ils
étaient tous les deux assis à côté
de moi (premier indice). Au début, je me suis méfiée,
ne parlant de mon voyage à aucun d'entre eux. Puis vers
2h du matin, j'ai entendu l'Israélien tenir un discours
très anticolonialiste, contre son gouvernement d'extrême-droite.
Je me suis alors dit que j'avais été assez parano
comme ça, que c'était intéressant de rencontrer
des Israéliens. J'ai relaché la garde. Je lui
ai dit que les Israéliens tenant son discours étaient
rares. Et au bout de quelques secondes, il m'a demandé
: "Et toi, où es-tu allée en Israël?".
Et là, erreur de débutante, j'ai dit que je m'étais
rendue en Cisjordanie. Je me suis très vite rendue compte
de ma bévue et j'ai essayé de rattraper le coup,
mais c'était trop tard. On nous avait pourtant prévenu
: les services secrets israéliens (mossad) poste des
agents dans les avions à destination ou en provenance
d'Israël. On nous avait répété de
ne jamais rien dire sur notre voyage. Vu le comportement étrange
de l'Israélien après coup, il est assez probable
que j'ai eu à faire à l'un d'entre eux. Je ne
le saurai qu'à une prochaine tentative de passage...
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