Leïla Shahshahani

journaliste indépendante

REPORTAGES 

 
L'OPALE DE WHITE CLIFFS : VOYAGE SOUS TERRE, AU COEUR DE L'AUTRALIE

Australie - Janvier 2001

En route vers le centre de l'Australie, White Cliffs est une contrée brûlante, hors du temps et… sous-terraine. Les jeux olympiques ne sont pas passés par là. Moins de 1000 kilomètres séparent Sydney de White Cliffs, une pacotille pour ce continent grand comme 14 fois la France. Pourtant, White Cliffs est un voyage à travers le temps, au bout d'une longue piste de sable rouge.

Un panneau signale 200 habitants (+1 +1, deux naissances récentes). Aucun signe de vie, à peine deux bâtiments qui se font face, un magasin "trouve-tout" et un pub, posés au milieu de nulle part, disons du désert. 47 degres, on entend les mouches voler. C'est sous terre qu'il faut chercher, c'est là que tout se passe à White Cliffs. On vit dans les "dug-outs", ces trous plus ou moins sophistiqués qui assurent une température agréable toute l'année. On travaille dans de véritables labyrinthes sous-terrains, à la recherche de l'opale.

Loin de la touristique Coober Peddy, White Cliffs est aujourd'hui la contrée de chercheurs d'opale sans doute la plus authentique du continent. Les visiteurs y sont rares car seule une piste de sable permet de s'y rendre. A la première grosse pluie, la piste est impraticable et White Cliffs est isolée. Les performances en matière d'infrastructure et de transport réalisées à Sydney dans la fièvre des jeux paraissent soudain bien insignifiantes. Ici, les fonds manquent, et la folie dépensière des jeux de Sydney en froisse plus d'un dans cette partie reculée de l'Australie. Pour les australiens, White Cliffs est le bout du monde. Pour les habitants de White Cliffs, c'est la fierté de vivre dans la tradition des pionniers qui y découvrirent l'opale à la fin du 19ème siècle. Mais à l'époque, White Cliffs connaissait sa période de gloire, avec une population de 4000 habitants en quête de fortunes rapides. Aujourd'hui, la pierre est plus rare et de White Cliffs, il ne reste guère plus que son pub et son magasin, ses quelques habitants et… 14 panneaux solaires pointés vers le ciel : la première station-test de ce type au monde, installée en 1979. Une fois de plus, ce qui fit de la ville une pionnière n'est plus. La station s'est endormie, dépassée par les dernières technologies en matière d'énergie solaire. Bill Finney, l'ingénieur néo-zélandais responsable de la station depuis 1986, a décidé de rester. Il est le gardien de ces grands miroirs. Il rêve du jour où la station retrouvera sa grandeur. En attendant, il joue au solitaire sur l'ordinateur central. White Cliffs est oubliée, au point que même la police n'y réside pas, le bureau le plus proche se trouvant à une centaine de kilomètres. La communauté a ses règles que chacun doit connaître. Quant au "maire", Graham, il se rend à ses réunions dans la commune voisine, Wilcannia, à bord du petit avion qu'il pilote.

Aujourd'hui, les habitants de White Cliffs doivent choisir : faute d'opale, ce sont les touristes qui permettront à la ville de survivre et la création d'une route goudronnée, sans cesse reportée faute de fonds, devrait les attirer davantage. Il existe déjà un motel et un bed & breakfast sous-terrains pour les accueillir. Ce faisant, les locaux signeront aussi la mort du dernier bastion authentique des pionniers de l'opale.

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